Livraison de repas : les coursiers pédalent dans la semoule

La popularité des services de livraison à domicile ne semble pas décliner, pour le plus grand plaisir des groupes de restauration concernés. Cependant, les problèmes semblent aussi s’accumuler pour ces entreprises, surtout au niveau des conditions de travail des livreurs.

La livraison à domicile, comment ça marche ?

Le marché de la livraison à domicile s’étend de façon exponentielle à tous les pays et régions du monde. Rien qu’en France, on compterait en 2018 160 millions de repas délivrés, et environ 80% de ces commandes auraient été réalisées dans les 3 grandes métropoles françaises (Paris, Lyon et Marseille). Ce secteur pèserait entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros et pourrait même doubler dans les trois prochaines années en France.

Pour prendre l’exemple d’un autre pays, au Vietnam la consommation de repas à domicile est aussi très importante. GCOMM, une entreprise vietnamienne spécialisée dans l’étude de marché, a réalisé un sondage auprès de différents citoyens. 99% d’entre eux ont répondu à l‘affirmative lorsqu’on leur a demandé s’ils utilisaient un service de livraison de ce type au moins trois fois par mois. Ce marché global pèse donc très lourd, mais ne parvient pas, étonnamment, à s’épanouir pleinement. Beaucoup trop de concurrents essayent de sortir leur épingle du jeu. Un business plan moins florissant que l’on pourrait penser, donc.

Un secteur avec peu de rentabilité

Récemment, en septembre 2018, la start-up de livraison Foodora a mis la clé sous la porte suite à une déroute financière. La filiale française de l’entreprise allemande a donc fermé dans l’Hexagone. Mais elle est loin d’être la seule à subir des difficultés. En 2016, Take Eat Easy, un autre mastodonte de la FoodTech française, a définitivement fait faillite. Tok Tok Tok également, alors qu’il était un des pionniers du secteur français du service à domicile.

Ainsi, contrairement à ce qu’on l’on pourrait croire, les gros du secteur, tel qu’Uber Eats ou Deliveroo, peinent à être rentables. Deliveroo comptait en 2017 à peine 1,5 milliards d’euros de bénéfice dans l’Hexagone. La société perdait plus de 200 millions d’euros hors-France en 2017. La filiale d’Uber, quant à elle, a déclaré n’être rentable que dans cinquante villes à travers le monde environ. La raison de ces faibles rentrées financières et des faillites est la concurrence forte et les commissions demandées, qui rendent les opérations trop coûteuses.

Des commissions relativement basses pour les entreprises

Les commissions sont de l’ordre de 30% sur chaque commande pour Uber Eats par exemple. Ce ne sont pas des pourcentages très élevés. Mais on ne peut en demander plus aux restaurateurs, déjà en difficulté pour maintenir la tête hors de l’eau. De plus, certains groupes très affluents, comme McDonald’s, demandent des commissions plus faibles. Les services de livraison ne peuvent se permettre de refuser. Qui se priverait d’un pareil colosse de la restauration ? Personne, et c’est bien cette différence d’influence qui placent les entreprises du secteur en difficulté. Il faut en permanence rechercher des restaurants partenaires, mais ceux-ci sont de plus en plus difficiles et intransigeants quant aux commissions.

La solution, les économies sur tout

Ces maigres rentrées expliquent en partie les faibles salaires perçus par les livreurs et les techniques employées pour les rémunérer au minimum possible. La logistique est coûteuse à mettre en place, ainsi que les campagnes d’affichage afin d’attirer de nouveaux clients,…

Et s’ils s’obstinent autant dans un business peu rentable pour le moment, c’est parce qu’ils pensent avoir l’algorithme idéal pour les tirer d’affaire. Selon un employé de Deliveroo, les algorithmes pourront bientôt anticiper les adresses de livraison pour y envoyer des coursiers. Selon Capital, fin juillet 2018, l’entreprise avait initié un local de cuisines partagées dans la ville de Saint-Ouen, où l’on n’y produirait que des plats à livrer. Deliveroo ne les remettrait que contre une commission. Encore, somme toute, une manière de faire des économies.

La livraison, quels avantages pour les restaurateurs et les clients ?

Avant de rentrer dans la face (pas si bien) cachée des services de restauration à domicile, il serait intéressant d’observer les avantages d’un tel service, à la fois pour les clients et les restaurateurs. Aujourd’hui, de nombreux restaurants et cafés ne font plus vraiment de service en salle et se concentrent sur la livraison à domicile.

Une modification des coûts fixes par la livraison

Pourquoi ? Cela limite la nécessité d’acheter ou de louer une salle de restaurant et du mobilier hors-de-prix. En termes de personnel, les coûts devraient baisser également (moins d’employés et de frais en ressources humaines et en formations diverses). Ces enseignes deviennent des restaurants où les clients n’iraient jamais, toutes transactions et commandes se faisant par l’intermédiaire d‘Internet. C’est également une manière différente d’obtenir une fidélisation des clients, ô combien importante pour la santé d’une enseigne.

C’est ce qu’a initié Domino’s Pizza en 1960, avec un service n’utilisant ni surface commerciale ni emplacement onéreux à louer, et encore moins de décorations et autres artifices, souvent si appréciés des clients. La rentabilité était ainsi plus forte que pour les restaurants traditionnels de l’époque, permettant à l’enseigne de grimper rapidement.

Les avantages pour les consommateurs

Pour les clients, mise à part le prix plus élevé dû à la livraison, les avantages sont aussi présents. Déjà, c’est un gain de temps : la livraison n’excède pas en général les trois quart d’heures (ce qui toujours plus rapide que de se rendre au restaurant en voiture, puis commander). Ensuite, vous avez accès à votre confort douillet : si vous êtes malades ou simplement fatigués et ne souhaitez pas quitter votre demeure, vous pourrez profiter d’un repas chaud devant un film. Vous pourrez aussi suivre l’acheminement du repas, sans attendre donc inutilement derrière votre porte l’arrivée du coursier. Enfin, vous avez accès à un large panel de nourriture et n’êtes pas limités dans votre choix. D’autant moins si vous habitez dans une grande ville avec de nombreux restaurants partenaires.

Des restaurateurs pourtant en difficulté

Des charges à payer liées à la livraison à domicile

Ce genre de service n’est pas accessible à tous. En effet, cela demande une certaine logistique et représente un coût, pas forcément adapté aux recettes des petits restaurateurs. Si un établissement décide de tester la livraison de se produits, elle aura certaines charges à payer. Mais si, en retour, les commandes ne sont pas au rendez-vous, l’enseigne subira des pertes évidentes. D’autant plus avec de bas prix pour attirer la clientèle. Il devient difficile de vendre plus cher un repas livré que consommé sur place, les clients préférant, dans ce cas de figure, se déplacer directement. Et si le restaurant connaît une augmentation exponentielle de ses livraisons, cela n’est pas forcément un bon indicateur également. Car, si sa réputation de restaurant livreur est bonne, ses salles se vident. La location d’une salle désormais inutile n’est plus une si bonne affaire.

Quelle expérience offre le restaurant ?

Pour empêcher la livraison de suppléer à la consommation sur place, il faut inciter le client à se déplacer. Pourquoi faudrait-il préserver les restaurants ? Tout simplement parce qu’ils nous font vivre une expérience. Le même débat existe déjà entre la télévision et le cinéma. Aller au restaurant, c’est avoir la volonté de vivre un moment différent, se dépayser, changer de décor, avec des êtres chers. L’accueil, l’atmosphère et l’ambiance générale font partie de ce qu’on apprécie au restaurant. Et cela, la livraison à domicile ne pourra jamais l’apporter.

Ainsi, il ne faut pas laisser les entreprises de livraison prendre la main sur la restauration et se déclarer maîtresses du secteur. Également, comme nous allons le voir à présent, parce qu’elles fonctionnent sur la base d’un système très spécial, dans un sens assez péjoratif.

Des conditions de travail déplorables pour les coursiers

Grèves quant aux conditions de travail

Le 19 octobre 2018 à Paris, des livreurs de la société Deliveroo se sont réunis pour protester contre l’entreprise. La raison de leurs revendications ? Ils veulent des meilleures conditions de travail. En cause notamment, la paye. Les coursiers de chez Deliveroo ont observé leur salaire baisser de 5,75 euros la course à 4,80 euros.

Le Collectif des Livreurs Autonomes Parisiens s’est donc mobilisé pour demander un changement de leur contrat de travail. En 2017 déjà, l’entreprise avait troqué sa rémunération à taux horaire pour un salaire à la course. Et depuis lors ce salaire ne finit de dégringoler. Beaucoup de coursiers, souvent des étudiants, ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts et à combiner études et travail. Mohammed, livreur Deliveroo à plein-temps, avait déclaré gagner 1200 euros par mois pour 220h de travail, soit 5,40 euros de l’heure environ. Pourtant, le service communication de l’entreprise avait annoncé un autre chiffre, « 13 euros par heure de connexion ».

Le problèmes des « shifts »

Ces revenus sont d’autant plus étonnant que Mohammed est un livreur « modèle ». C’est-à-dire un coursier qui cumule d’excellentes statistiques. En effet : plus le livreur se rend disponible, plus il travaille le week-end, plus il aura alors d’horaires proposés. Avec des statistiques comme Mohammed, on peut travailler sur des créneaux, des « shifts », très demandés afin d’enchaîner les commandes. Et, même avec ce « statut », Mohammed ne gagne que 1200 euros par mois à temps plein.

Peu de solidarité entre coursiers

Un autre livreur, Jules Salé, a livré un témoignage poignant sur Facebook quant à son expérience chez Frichti. Il a fait le tour des réseaux sociaux en quelques jours. Il y dit que l’enseigne s’est déshumanisée, que les livreurs sont traités avec moins d’égard que les employés. Et difficile pour les coursiers d’entretenir une sorte de solidarité : entre le peu de temps qu’ils passent entre eux et la compétition à celui qui obtiendra le plus de shifts… Finalement, il sont tous éclatés à divers endroits de la ville, à devoir pédaler sans autres interactions qu’un simple « Elle est bien à vous, cette commande ? ».

On trouve beaucoup de personnes en « permis de séjour » selon Jules. Elles parlent à peine français, et veulent travailler à tout prix pour s’en sortir. C’est là qu’on peut vraiment apercevoir le manque de solidarité : plus il y a de demande de travail, plus les salaires baissent. Mais personne ne proteste car tous veulent travailler, et à n’importe quel prix. En théorie, moins il y aura de candidats, dégoûtés par le salaire, et plus il y aura d’horaires pour les restants. Mais ce n’est pas le cas : tout le monde veut travailler et ainsi personne ne s’oppose au salaire.

Des risques certains lors de la livraison

Autre désavantage : les risques liés au métier. C’est littéralement une course contre le chrono. Un arrêt de trop à un feu rouge, deux secondes de perdues dans les marches d’escalier,… le chrono vire au rouge. Comme le rajoute Jules, « le timing est calculé dans prendre en compte le trafic et les temps de livraison à pied ». Énervé d’être en retard, le coursier redouble de vitesse par la suite. Et cela, sans respecter forcément le code de la route et les règles de sécurité élémentaires.

Les pauses ne font pas partie du chronomètre

Et, même une fois de retour au « hub » (le local où ils attendent les commandes), pas de répit. Il témoigne : « Au bout de deux heures de course folle, je retourne au hub. À peine passé la porte, mon téléphone est reconnu par l’ordinateur. Je ne sais pas comment il fait mais il sait que je suis là. Mon téléphone bipe : des nouvelles commandes à faire immédiatement. J’achète un café au distributeur, un agent de Frichti m’appelle sur mon téléphone : l’ordinateur m’a vu prendre une pause. Ce n’est plus mon pote ».

Livraison et discrimination

Jules renchérit même en parlant de la discrimination latente présente au hub. Un manager aurait crié : « Les gars, il va falloir pisser dans le trou ! Sinon plus d’accès aux chiottes ! Vous savez quoi ? Ça, c’est depuis qu’il y a que des blédards ici. Avant, quand il y avait des Français, c’était pas comme ça ! ».

Jules enchaîne.  » Les managers sont aussi des Noirs et des Marrons, seulement eux ils parlent bien français. Ils doivent avoir un bac pro vente tandis que les coursiers n’ont peut-être même pas le brevet des collèges. «   » [Ce sont les blédards ] qu’on retrouve aujourd’hui tout en bas de l’échelle de la start-up nation, payés au lance-pierre, à la tâche, sans salaire minimum, sans arrêt maladie en cas d’accident, sans congés payés, sans chômage, avec des outils de travail à leurs frais : un smartphone obligatoirement 4G qui vaut cher, un vélo souvent décrépit avec des freins à moitié cassés, pas de casque, pas de lumières pour assurer leur sécurité la nuit. « .

Le matériel de livraison est à leurs frais

En effet, en plus d’un salaire dérisoire, de risques pour la santé et de conditions de travail en général mauvaises (où la rapidité du service prime aux relations humaines), les livreurs doivent acheter leur propre matériel de travail, comme les vélos ou smartphones. Ainsi, si une roue crève, le livreur s’expose à un accident. Il doit réparer la roue à ses frais, et ne gagne pas d’argent dans l’heure. Il perd aussi ses bonnes statistiques.

L'ubérisation au carré

Autre problème : Le Monde a dévoilé le 17 juin 2019, après le New-York Times, comment des coursiers français (au statut déjà précaire) sous-louaient leur compte de coursiers à des sans-papiers ou mineurs. En profitant de plus précaires qu’eux, les coursiers majeurs s’inscrivent sur une plate-forme en s’enregistrant comme « travailleur indépendant ». Ensuite, ils délèguent l’activité à des personnes ne pouvant pas travailler d’ordinaire, et récupèrent une commission de 30 à 50% sur la somme gagnées par leurs  » sous-traitants « . Une deuxième ubérisation du travail, donc.

Deliveroo, tant qu’elle reste en accord avec la loi, tolère cette sous-traitance, alors qu’Uber Eats par exemple l’interdit. Mais les coursiers en cause protestent : s’ils étaient mieux payés, ils ne se lanceraient pas dans cette entreprise quelque peu immorale. Plutôt que d’augmenter leur salaire (que Deliveroo et Uber Eats estiment d’ailleurs plus haut que les chiffres relayés par les médias), les sociétés, notamment la filiale d’Uber, préfèrent travailler sur des logiciels de reconnaissance faciale pour éviter cette fraude.

Canicule et pédalage ne font pas bon ménage

Récemment, les vagues de chaleur ont aussi affecté les livreurs. Autre effet très dangereux pour leur santé, s’ajoutant à leur épuisement après des heures de pédalage. En temps de Canicule, un livreur de Deliveroo a révélé que la société, au lieu de les encourager à faire des pauses durant leurs courses, a au contraire décidé de diminuer la paye. Pour quel motif ? Selon le témoignage recueilli par Le Monde,  » les cyclistes sont moins performants, les temps de livraison plus difficiles à tenir, donc les frais de livraison facturés aux clients sont diminués « . Deliveroo a démenti cette déclration.

Cependant, comme le montre une promotion d’été lancée par l’enseigne, avec  » 1 plat acheté = 1 plat gratuit « , l’entreprise ne semble pas vouloir diminuer la cadence des livreurs. Mais, comme nous allons le voir d’ici peu, les coursiers de ces sociétés de livraison à domicile sont des autoentrepreneurs, et non des salariés. En cette qualité, ils ne peuvent pas bénéficier de protection spécifique de la part de l’entreprise. Cette dernière n’a aucune obligation sanitaire envers ces travailleurs.

A l’heure de la déshumanisation

Pour en revenir au planning, ce dernier est extrêmement contraignant. Plus vous sacrifiez votre week-end, meilleur est votre référencement et plus vous pouvez obtenir d’horaires ensuite. Cela demande de préférer le travail à sa vie personnelle si l’on veut, en plus d’une paye, pouvoir travailler correctement les semaines suivantes. Par exemple, pour avoir d’autres créneaux la semaine suivante, il faut travailler 20 heures à 22 heures le week-end.

Le fait que notre vie personnelle soit impactée car on perd des places dans le classement participe à la déshumanisation de ce processus de livraison à domicile. De plus, les livreurs n’ont presque aucun contact avec la direction. Tout ou presque passe par Internet. Selon le témoignage d’un autre coursier, même pour récupérer un sac, ils ne passent pas par les locaux. Les mails et appels sont privilégiés par les entreprises.

Aucune présence des patrons

Un autre livreur, Mohammed, témoigne qu’ils n’ont « jamais eu aucune présence physique », « l’inscription se passe sur le site et ensuite tout est fait via l’application. […] Pour eux, on est seulement des numéros ».

Jules Salé, qui avait fait le buzz sur Facebook avec son long témoignage, a corroboré cette idée. « Depuis le début, j’ai dû échanger au maximum quinze mots avec la boîte qui m’emploie mais ça y est, je bosse pour eux », « Cet ordinateur avec lequel j’essaie de sympathiser – et qui en gros est mon patron – ne s’est pas présenté, je ne sais pas ce qu’il regarde dans mon téléphone, comment il me juge, comment il collecte mes données pour faire des statistiques de mes performances et quelles sont les répercussions de ces statistiques sur la quantité et la qualité du travail qu’il va me donner par la suite. »

«[…] Je dois sûrement avoir une note que je ne connaîtrai jamais. Mais quelque part, être jugé par une machine porte l’avantage d’une certaine objectivité. Il ne peut pas ne pas aimer ma gueule, il se concentre sur des faits. Le problème – en dehors du fait que je ne sais pas comment il fonctionne – c’est que je ne peux pas lui dire que le numéro 53 de la rue Bouchardon est introuvable parce qu’il est caché dans un angle de la place Saint-Martin et que c’est pour ça que j’ai trois minutes de retard. Non, tout ce que je peux lui dire c’est : « Commencer nouvelle livraison » ».

Un statut professionnel clivant quant à la livraison à domicile

Les livreurs travaillant dans ces sociétés de livraison à domicile ne sont pas des employés, contrairement à ce que le sens commun pourrait nous laisser penser. L’inspection du travail a examiné le cas de Deliveroo en 2018. Et ce qu’elle a révélé au grand public était assez intéressant.

L'autoentreprenariat comme règle dans le milieu

Le statut de ces coursiers est celui d’autoentrepreneur. Ce statut, contrairement à celui de salarié, dispense l’entreprise de payer plus de charges et diminue ses contraintes. En tant qu’autoentrepreneur, les livreurs doivent cotiser eux-mêmes à l’ex-RSI, aujourd’hui la Sécurité Sociale des Indépendants, d’environ 25% de leurs revenus. Cela exonère l’entreprise de cette cotisation, mais lui évite également de proposer des congés payés ou de payer les frais de fonctionnement (vélo, téléphone avec la 4G pour livrer le repas,…). En somme, la société évite tous les frais avantageux pour les salariés. Et ces derniers sont loin de gagner l’argent que Deliveroo leur donne en bulletin de salaire.

Une décision de la Cour de cassation qui pourrait faire jurisprudence

En novembre 2018, la Cour de cassation a reconnu un ancien coursier de Take Eat Easy (qui a déposé le bilan en 2016, on le rappelle) comme réel salarié. Inquiétant pour les autres firmes de livraison si cet arrêt vient à faire jurisprudence. Pourquoi cette nouvelle qualification soudaine ? Car les pressions que subissent les coursiers sont celles d’une relation de subordination, caractéristique des relations entre patron et employé. Par exemple, un système de géolocalisation permet de suivre en temps réel la position du livreur, des sanctions peuvent être mises en place par la société, il y a beaucoup d’incitations à travailler le week-end afin de garder de bonnes statistiques et d’obtenir d’autres créneaux, un délai de livraison stressant est affiché (même s’il a vocation à être uniquement indicatif),…

D’après l’Urssaf, entre 2015 et 2016, Deliveroo lui aurait ainsi dû plus de 6,4 millions d’euros de cotisations. Quelles solutions existent pour cette société et les autres ? Soit elles optent pour la régularisation du statut de leurs coursiers en salariés via un vrai contrat de travail, soit elles décident de diminuer ce rapport de subordination afin de perdurer dans un statut entrepreneurial.

Un amendement de la livraison à domicile qui ne va pas dans le sens des travailleurs

La grève d’octobre 2018 avait aussi comme vocation à changer le statut actuel en statut plus avantageux pour les livreurs. Cela aurait permit de changer les conditions de travail de ces autoentrepreneurs qui sont dans une situation très précaire. Mais le gouvernement, malgré l’arrêt de la Cour de cassation, maintien son discours par un amendement d’Aurélien Taché (LREM). Selon cet amendement, les plateformes pourraient mettre en place une « charte » pour définir leurs « droits et obligations ainsi que celles des travailleurs avec lesquelles [elles sont] en relation ». Mais dans cette charte, il ne serait pas possible de caractériser cette relation de subordination. Ainsi, les entreprises de livraison resteraient dans leur bon droit.

Des problèmes à nuancer grâce aux efforts écologiques

Il faudrait toutefois saluer l’amélioration des pratiques de certaines entreprises de livraison à domicile. Via un article de notre blog, nous avions fait un bref état des lieux des pratiques non-écologiques dans la restauration. Les plateformes de livraison de nourriture ne font pas exception car elles polluent énormément (on rajoute au gaspillage alimentaire traditionnel la pollution liée aux transports des repas à domicile). Mais certaines sociétés ont compris que passer au zéro déchet serait une excellente manière de fidéliser les clients, qui se soucient de plus en plus de l’écologie.

Des boîtes de repas écologiques

On peut remarquer certaines initiatives encourageantes dans notre pays voisin, la Suisse. La société suisse Recircle cherche à proposer aux entreprises de restauration à emporter des boîtes de repas qui soient réutilisables et consignées. Étonnamment, malgré le prix de la consigne à 8,50 euros, les clients sont nombreux. Pour ceux ne voulant pas acheter la boîte, il suffit de la rapporter dans un restaurant partenaire.

Des couverts solides et des explications de tri des déchets

 

En France, on annonce désormais les débuts d’une restauration à emporter plus écologique. FoodChéri propose des couverts plus solides et qui ne sont plus obligatoires dans les sacs. Si l’on mange chez nous, on n’a en effet peu l’utilité des couverts proposés. Et, ainsi, les couverts n’étaient plus demandés que dans 60% des repas. Deliveroo fait à présent la même chose, et Frichti a innové en proposant des couverts en inox à acheter pour les garder au bureau si les clients s’y font régulièrement livrer. Des sacs en kraft sont aussi utilisés chez FoodChéri et Frichti. Par des newsletters et explications sur les boîtes de repas, les entreprises essayent également d’expliquer comment effectuer le tri des déchets.

Certes, on trouve de bonnes initiatives dans le domaine écologique. Mais il ne suffit pas de cela pour offrir un service modèle. Au niveau de l’humain et du statut des coursiers, les entreprises de livraison à domicile ont beaucoup de chemin à parcourir. Il faudrait combler ce manque de considération envers les coursiers, obligés de travailler à une cadence folle pour gagner peu en fin de mois. Enfin, diminuer cette obligation d’avoir de bonnes statistiques et de bien respecter le chronomètre, qui participent à la robotisation de l’être humain.

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