Restaurants multisensoriels : un voyage hors du temps

Les restaurants multisensoriels, bien que très minoritaires, ont le vent en poupe. Ces nouvelles expérimentations gustatives vont se propager très largement dans les années à venir. Elles offrent une toute nouvelle expérience culinaire aux clients en titillant leur cinq sens (au détriment d’un prix extrêmement élevé).

Qu’est-ce que les restaurant « multisensoriels » ?

Une expérience basée sur les cinq sens

A la base même du mot multisensoriel se trouve l’idée d’une profusion de sens. Au menu, le goût (un indispensable aux repas), l’odorat, l’ouïe, le toucher et la vue. A première vue, on pourrait considérer qu’à chaque fois que l’on se retrouve devant une assiette, on exploite tous ces sens. On retrouve le gustatif lorsque l’on mange, le sonore en participant à une discussion, le visuel en observant le plat. Mais l’expérience gustative multisensorielle possède une différence majeure : l’ensemble des sens sont décuplés, souvent grâce à la technologie, et permettent un voyage inoubliable dans l’univers du sensationnel, de l’époustouflant, de l’abracadabrantesque. Autant et pourtant si peu d’adjectifs pour décrire l’expérience totale. Comme l’expliquent les clients, il faut avoir testé un de ces restaurants pour comprendre l’effet de la maximisation des sens.

Un objectif plus marketing

Bien qu’offrant un service d’exception pour enchanter les clients, les établissements qui proposent une expérience similaire ont aussi comme objectif le profit. Et dans ce cas de figure, il est juteux. Les repas vont d’environ 350€ par tête à 1500€ pour le restaurant le plus cher du monde. Cependant, il ne faut pas oublier tous les investissements effectués pour offrir le meilleur à ceux venant expérimenter ce voyage culinaire.

Ce marketing sensoriel n’est pas propre à ces restaurants uniquement. En effet, jouer sur les sensations pour pousser le consommateur à l’achat est un mécanisme de marketing  traditionnel. On peut le trouver à n’importe quel point de vente de n’importe quel produit ou service. La délicieuse odeur du café en torréfaction que l’on suit dans la rue, le parfum des croissants chauds de la boulangerie, ou encore les morceaux de comté à déguster au supermarché du coin tous les samedis sont des formes de marketing sensoriel. 

Ici, les producteurs jouent respectivement sur l’odorat (qui a prouvé déclencher jusqu’à 755 sentiments mélangés) et le goût pour pousser à consommer, en suscitant des émotions très fortes. Ce marketing multisensoriel, s’il est bien exploité, a de beaux jours devant lui.

Quels sens décuplent l’expérience-client ?

Pour les restaurateurs, le système est le même. Jouer sur les sens est une méthode connue pour influencer le choix des clients. Notamment, la musique, si elle est rapide et très rythmée, pousse à une sorte de confusion et à de l’achat intempestif, sans bien appréhender les prix de la carte. Au contraire, une musique lente ou orchestrale pourrait, pour prolonger un repas, faciliter la vente de vin, de café, de dessert. Et, enfin, la musique fait partie de la « marque entreprise ».

Utiliser la même musique dans différents points de vente à travers le monde stimulerait une forme de fidélisation client, d’identification de la marque.

Starbucks par  exemple peut être considérée comme une de ces chaînes de restaurants multisensoriels.

Autre que l’auditif, le toucher également participe à l’expérience client. La matière des couverts et assiettes, leur forme, leur poids, le confort des chaises, la douceur des serviettes… autant de détails qui n’en sont pas tellement. Tout compte. Selon The Sensory Restaurant – A Innovative & Proactive way for Restaurants to marked them selves as Authentic, de Simon Sjødahl, le repas va être perçu différemment selon la forme du plat dans lequel il se trouve. Rien n’est donc à prendre « à la légère ». Enfin, l’odorat, la vue et le goût sont des indissociables de la gastronomie et sont également exploités à leur maximum.

Bien sûr, le repas reste au centre de l’attention, et les artifices aux alentours ne servent qu’à « donner du relief au plat sans jamais prendre le dessus », selon Paul Pairet, propriétaire du restaurant multisensoriel Ultraviolet.

S’assurer une notoriété parmi la clientèle et les médias

L’ensemble de ces techniques sensorielles aident ainsi le restaurant à pénétrer dans l’inconscient du client pour s’implanter et devenir ineffaçable. De plus, une expérience originale trouvera de l’écho dans les médias et sur les réseaux sociaux, attirant de fait de nouveaux consommateurs en quête de nouvelles sensations déconcertantes.

Des restaurants aux concepts multisensoriels divers

Le Sublimotion à Ibiza : une extravagance proportionnelle au prix

Avant d’entrer dans les détails de ce restaurant délirant, il faut savoir que le prix l’est tout aussi. Le Sublimotion est situé à Ibiza et est le restaurant le plus cher du monde, avec un prix de 1500€ par tête et par repas. Une grosse somme à débourser. Mais qui vaut le coup si l’on souhaite tester autre chose (et si on a l’argent pour).

Une équipe de choc au service des clients

Cet établissement combine l’excellence d’un repas gastronomique avec technologie et effets spéciaux. Surtout, on peut compter sur une équipe d’employés très spéciaux : ils sont non seulement experts en gastronomie, mais sont aussi des artistes, théâtreux, des designers, des musiciens, magiciens, illusionnistes et spécialistes dans les technologies et neurosciences. Ils peuvent également exercer les animations en anglais et en espagnol. Ils doivent s’adapter à la douzaine de convives présents dans la salle (à leurs allergies ou intolérances alimentaires par exemple). Les repas multisensoriels éblouissent ainsi les clients. Par la mise en scène, mais également par les interactions avec le personnel. Ce n’est pas une relation uniquement unilatérale.

Les particularités du Sublimotion

Des quelles originalités dispose-t-il ? Premièrement, le concepteur de l’établissement, Paco Roncero, a pu réunir plusieurs étoilés Michelin pour ce « théâtre des sens » comme il l’appelle. Ensuite, l’adresse du restaurant n’est connue que par les employés, et révélée aux clients quelques jours avant le repas. Des décors divers et des jeux de lumière sont projetés, sur la table et sur les murs, durant les trois heures d’expérience et vingt plats distribués. Un compositeur adapte la musique aux différents plats et est accompagné d’un DJ (il ne faut pas oublier que le restaurant se situe à Ibiza).

Ultraviolet à Shanghai : un des premiers projets multisensoriels avant-gardistes

De longues années de préparation

 Bien qu’ouvert récemment en 2012, le restaurant Ultraviolet du chef français Paul Pairet résulte de longues années de réflexion. Depuis 1996, ce chef se demande comment faire vivre aux clients une expérience culinaire unique et sublimée. C’est autour de ses vingt plats, sa cuisine avant-gardiste et ses multiples décors actuels que Paul Pairet s’est alors concentré. Il a pu ouvrir Ultraviolet en 2012, et s’est hissé 48ème dans le top 50 des meilleurs restaurants au monde. Pour lui, c’est le « projet de ma vie […]. C’est un rêve de cuisinier, un véritable aboutissement. Cela faisait plus de quinze ans que j’avais en tête ce concept mais je n’avais jamais pu aller au bout ».

Manger les repas à leur "point culminant"

Que fait alors ce restaurant ? La découverte et l’appréciation gastronomique reste au cœur du projet du chef. Dans un restaurant, le plus important c’est ce que l’on mange et les sensations engendrées. Il faut consommer la nourriture « à son pic », au moment où elle contient le plus de saveurs et d’intérêt gustatif, sans casser la dynamique de préparation du repas. Le menu est composé de bouchées très créatives et variées mais aussi de plats plus traditionnels. Un menu logique dans sa construction et élégant dans ses finitions.

Excentricité et mise en scène

Mise à part le contenu des assiettes, Ultraviolet joue aussi la carte de l’apparence. Tout comme Sublimotion, le restaurant excentrique joue avec les technologies, les projections, les jeux de lumière, les tours de passe-passe et illusions, les décors et mises en scène. Toujours à l’identique de son homologue espagnol, la tablée d’Ultraviolet ne peut accueillir que dix convives, et l’adresse du restaurant reste secrète (sans aucune révélation cette fois, les clients se faisant transporter dans un van jusqu’à la périphérie de Shangaï). Dans la salle se mêlent odeurs et parfums plus ou moins diffus, ainsi que des images et décors sur les murs et la table. La musique participe aussi, bien entendu, à l’ambiance globale. Mais comme le dit Paul Pairet, « Tout ce qu’il y a autour – la musique, les images, les odeurs – doit donner du relief au plat sans jamais prendre le dessus ».

Quelle différence alors avec Sublimotion ? Une controverse s’est installé lorsque le chef français a critiqué l’œuvre du restaurant d’Ibiza. Ce dernier avait ouvert deux ans après Ultraviolet, mais les deux concepts multisensoriels sont très similaires. Le projet aurait pu passer si Sublimotion ne s’était pas revendiqué comme le « premier spectacle gastronomique au monde ». Les prix sont aussi deux fois plus chers à Sublimotion (Ultraviolet propose des menus aux alentours de 515€). Ces deux établissements multisensoriels sont donc en concurrence. Et vu la tendance actuelle, la compétition dans le secteur deviendra de plus en plus importante. Raison de plus pour chercher à se démarquer complètement afin de tirer son épingle du jeu.

Les dîners à l’aveugle : autres établissements multisensoriels

 Dans le noir ? est une toute autre expérience culinaire, qui se centralise cette fois-ci sur la vue. Ou, plutôt, l’absence de vue. Ce restaurant parisien proposent aux clients de dîner dans un noir complet. Il y a plusieurs objectifs à cette initiative. D’abord, d’après l’établissement, « lorsqu’on mange sans voir, tous les autres sens se développent, les aliments prennent une saveur exceptionnelle ». On balaie nos certitudes, notre perception de l’environnement, pour ré-exploiter pleinement nos autres sens et appréhender le « menu surprise ». L’aspect esthétique de la nourriture, les artifices constants que l’on porte en allant au restaurant ne sont plus au centre des préoccupations et laissent place à un bavardage plus authentique.

Ensuite, manger dans le noir, en stimulant tous nos sens, aide à ressentir de l’empathie pour les personnes mal ou non-voyantes et de la compréhension de leur mode de vie. Les serveurs sont d’ailleurs tous atteints de cécité ou de malvoyance. Cela peut les aider à se réinsérer dans le milieu de l’emploi, tout en permettant aux clients de se rendre compte de la difficulté de vivre sans ne rien voir.

Les clients doivent laisser tous les objets pouvant faire de la lumière (téléphones, briquets,…) à l’entrée. Ainsi, l’ombre peut s’infiltrer dans chaque parcelle de la salle. Une enveloppe noire plutôt angoissante, selon les clients. Cela pourrait s’apparenter à une visite de grotte sans lampe torches d’allumées. Malgré la nourriture à déguster (avec les doigts pour la plupart, car manipuler de la nourriture par des couverts dans le noir est beaucoup plus complexe) et les voix environnantes, l’univers de la restauration s’éloigne, pour un moment hors du temps presqu’étouffant pour beaucoup.

Ces établissement particuliers se développent de plus en plus à travers le monde. On en compte déjà plusieurs en France.

Chez Maguey : choisissez votre repas selon vos émotions

Envie d’avoir tout de même une influence sur ce que vous dégustez ? Chez Maguey, à Paris, votre repas sera composé à partir d’adjectifs que vous aurez transmis au serveur. Selon les émotions que vous voulez ressentir, votre plat sera entièrement customisé à votre goût : malicieux, percutant, moelleux ou honnête. Choisissez deux de ces adjectifs, et à vous de jouer !

Dinner in the sky : se laisser dépasser par la gravité

Dinner in the sky est un restaurant éphémère et itinérant au concept assez saugrenu. Le dîner s’effectue dans les airs. Non pas dans une salle transparente, mais bien dans le ciel. Une grue se charge de transporter les tables, chaises et autre mobilier nécessaire, ainsi que les 22 clients qui veulent tenter l’expérience et, bien sûr, le chef. La grue lève cet assemblage à 50 mètres du sol. C’est assez pour observer la ville et les paysage environnants, tout en dégustant un repas délicieux préparé par un chef étoilé. Ces restaurants multisensoriels, ceux qui se trouvent dans les airs, sont de plus en plus en vogue actuellement.

Le Coco de Mer : « les Seychelles à Paris »

Le restaurant parisien Le Coco de Mer permet à tous les nostalgiques de vacances aux Seychelles de venir manger à une table, les pieds dans le sable. Une expérience qui veut allier deux grands plaisir de la vie : l’idée des vacances et la nourriture. Un concept séduisant et à bas prix.

Vespertine : une expérience très immersive

Vespertine, à Los Angeles, a décidé de reprendre la thématique de la restauration multisensorielle.  Les cuisiniers ont des tabliers semblables à ceux des samouraïs et les serveurs habillés en noir s’inclinent devant les convives. Le restaurant joue sur les artifices et la mise en scène, tout comme Ultraviolet et Sublimation, pour émerveiller la tablée.

Mais, plus que de faire ressentir des émotions aux clients, on les fait participer à l’expérience gustative. Par exemple, soulever des feuilles pour trouver la nourriture, goûter à l’aveugle des mets cachés dans des boîtes. Une de ses spécificités est la grande attention portée aux clients. On observe toutes leurs attitudes et habitudes. Cela sert à déterminer comment le plat sera préparé, afin de sublimer au maximum leur dîner. Par exemple, on observe de quelle main ils mangent, s’ils boivent de l’eau plate ou non. En ce sens, les projets multisensoriels permettent aux restaurateurs de bien connaître les clients et de développer une réelle relation.

Les concepts multisensoriels sont à portée de tous

La plupart des restaurants nommés plus haut ont des budgets considérables. Il est clair qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir les moyens techniques, technologique, artistiques de développer de tels concepts dans n’importe quel restaurant. Pourtant, ce qui fait la beauté des dégustations jouant tous les sens, c’est qu’elles sont multidimensionnelles et à portée de tous. Il suffit souvent d’avoir un peu d’imagination pour développer un concept original.

Plus simplement, vous pouvez proposer des dégustations aux passants dans la rue (des avant-goûts de ce qu’ils pourront découvrir dans le restaurant). Adoptez une ambiance qui vous rendra identifiable et spécial : par un parfum d’ambiance ou de nourriture constant, par une musique… les matières également, comme nous l’avons soulevé précédemment, sont très importantes. Elles participent entièrement à l’expérience-client. L’innovation par des menus surprise, à l’aveugle grâce à des boîtes qui renferment le dîner,… sont aussi possibles.

Les cinq sens, s’ils sont pleinement exploités, changent la perception entière d’un dîner. Pas besoin pour cela de dépenser des sommes conséquentes. Il est possible pour tous les restaurateurs de faire vivre, à leur manière, un repas inoubliable aux clients. Tout cela peut être possible par divers concepts multisensoriels. Il faut surprendre les convives, les émerveiller et les faire voyager hors du temps l’espace d’un dîner mémorable.

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